7H00 du mat, j'ai des frissons, j'attends le bus, je deviens grognon, seul au bout du fil, un Dupraz froissé, parle au chauffeur, l'traite de pédé !   "Chacun fait c'qu'il lui plaît mais moi je me tire en bagnole" s'exclama le boss. Devant tant d'incertitudes le voyage allait être râpé, et décision fut prise de sauter dans les voitures pour ne pas rater l'avion à Beauvais.

Parvenus à l'embarquement finalement en avance, l'attente nous fournit l'occasion de se familiariser avec les prénoms de la gente féminine qui s'était jointe à nous. Ce n'était guère évident car mises à part Arousiak Corlay, Marie Laure Billion et Anne Pistien, les autres prénoms se mélangeaient dans nos têtes. Il y avait deux  Christine  et la bande des SO : les deux Sophie, Sonia, Solen et bien sûr So-Hélène la femme de Christian Ewing, le magna du pétrole.

La "mésaventure-bus" nourrissant toutes les conversations, cela engendra tant de chambrades sur notre Tiret National que ce dernier eut les oreilles qui sifflèrent à l'autre bout de l'Ile de France et le désorientèrent à l'embranchement de l'A104. Cinquante-sept kilomètres de détour, un carton de maillots dans le coffre et un Yann Guillaumin chauffé à blanc à son côté prêt à sortir la boîte à claques, Alain était autant sous pression que la Guinness qui nous attendait à Dublin. L'angoisse montait quand soudain il arriva et nous salua amicalement d'un : "Le premier branleur qui chambre je l'aligne !".  Ouf ! Nous allions enfin nous détendre et c'est ce bon Barquissau qui remit instinctivement de l'ambiance nous annonçant qu'il avait oublié sa carte d'identité.

Nous embarquâmes à bord de notre avion Ryanair et nous dûmes aussitôt sangler Eché et Tiret qui voulaient quitter la cabine, cette dernière ressemblant étrangement à un car de supporter de Clermont Ferrant aux couleurs de Michelin.

Une heure cinq de vol c'est court en principe, mais sur Ryanair c'est un peu comme Leclerc le samedi après midi par temps de pluie : on est serré et une connasse nous saoule au micro avec des ventes flash toutes les cinq minutes ; bref on n'a pas pu roupiller.

Pour rejoindre notre hôtel, nous avons emprunté une navette et très vite Fabrice Corletto qui avait avalé une cornemuse au petit déj lança un premier chant, l'hymne de la gaypride rugbystique, Quand reviendra septembre ! Plus fayot que Curnillon quand il demande des conseils de placement à Manu, Corletto Junior cherchait donc à se faire bien voir du Tiret. A la fin de la chanson, un élan général nous poussa à revoir les paroles en hommage à Barquissau : " Si t'as pas tes papiers, tu ne peux pas comprendre, qu'on ait le coeur serré, arrivés en Irlande ! ».

La navette nous déposa à Trinity College où nous attendait un ami de La Pique plein d'humour et qui deviendrait en toute logique notre guide spirituel. Habillé comme un banquier de la city, Seàn MacCarthaigh fut rassuré de nous voir arriver, un tel accoutrement pouvant lui coûter la vie en pleine période de crise financière. Il nous entraîna vers nos pénates et nous fit entrer dans un parc en passant sous une arche appelée "Porte des traitres" sous laquelle les Anglais avaient sculpté les noms des Irlandais ayant combattu à leur côté en Afrique du Sud lors de la Guerre des Boers. Loin d'être impressionnés on lui rétorqua : "On a la même dans le Club House VDQS où sont inscrits tous les noms de nos joueurs qui quittent notre maillot lors du challenge des entreprises".

Très vite nous atteignîmes le très Georgian Staunton's Guest House où nous prîmes nos quartiers.

La faim tiraillait les estomacs y compris les plus Dukaniens. Mais c'était sans compter l'esprit sportif de notre seul coach présent, Danse avec les Genoux, qui avait reçu des consignes très strictes de Manu.  "On a match à 19h00, il est temps de monter en pression !". Plus rouge que ses ancêtres sioux, Sergio nous mit sur la piste d'une salle de musculation du centre ville, le Neary's bar, afin d'échauffer les épaules, les coudes et bien sûr les cervicales. Profitant de l'opportunité, les épouses des joueurs n'hésitèrent pas un seul instant à suivre les recommandations du coach poussant le stretching gastrique au-delà des records du Guinness book. Ayant peur du claquage à l'échauffement, Sergio dut cependant user de sa légendaire autorité pour mettre fin à cet exercice. Il faut dire que nous avions enchainé les pompes Irlandaises, tantôt Guinness, tantôt Smithwick's et que la répétition des gainages sur la barre du comptoir mettait en péril l'équilibre biologique des plus appliqués.

Ce premier déjeuner Guinness-Sandwichs au saumon nous permit d'apprendre que le mot Cunilingus est en fait Gaelique et peut signifier deux choses : "je viens de déjeuner" ou "j'ai bouffé la chatte d'une vieille pute près de Temple bar !".  Dans les deux cas, le résultat est le même : une haleine de phoque.

L'après midi fut libre, chacun pouvant découvrir la ville de différentes façons : le shopping rugbystique, le romantisme touristique ou plus simplement les loisirs diurétiques.

Levés à l'aube les VDQS commençaient néanmoins à ressentir les effets de la fatigue et beaucoup profitèrent de la fin d'après midi pour faire une sieste réparatrice avant le grand rendez-vous du soir, notre rencontre contre le prestigieux club de Clontarf que Sean nous avait si brillamment sélectionné. D'autres, plus présomptueux enchainèrent par une retransmission du tournoi des six nations dans le club house de nos hôtes.

Sur place vers dix huit heures je retrouvai Ronan, tétanisé de peur. Un joyeux gaillard de 2m10 lui avait anéanti le moral de notre Huguette singer en lui contant ses sélections et lui avouant tout le plaisir qu'il avait de jouer contre nous.  En réalité, l'Irlandais est joueur et la brute épaisse avait réussi à bourrer le mou du plus voyou d'entre nous : il ne jouait pas en vétéran. Cela étant, l'équipe adverse nous aligna un N°8 d'1m93, Tony, marathonien, qui devait sans doute être son petit frère ou du moins son cousin. Christian, comme il est de coutume en Irlande, accorda nos violons au niveau arbitral et nous débutâmes la partie de 3 fois 20 minutes sous les cris hystériques des épouses chauffées au blanc mais aussi au rouge et au whisky chaud. Danse avec les genoux composa l'équipe et géra le turn-over, chacun ne disposant in fine que d'une trentaine de minutes de jeu chacun. L'esprit qui souffla sur le match fut assez unique dès le coup d'envoi, l'envie de rigoler de part et d'autre l'emportant sur le réalisme comptable d'une victoire qui était à notre portée. Aux tricheries au sol des vieux roublards irlandais, les VDQS opposèrent des initiatives individuelles risquées mais bien bandantes : Marco me reprocha mes nombreux départs le sourire en coin. D'habitude l'aîné des sept nains arrières, Prof, se met dans de grandes colères lorsqu'on n'écoute pas ses consignes de jeu. Là, il se marrait et il poussa son vice et sa jubilation jusqu'à envoyer Xabi attaquer la ligne avant d'être stoppé net par un centre de 100kg et se de se faire exploser la tronche. Freddy et Curnillon purent aussi assouvir leur fantasme caché de jouer 6 et 7 tout en se retrouvant carrément à l'aile sur les fins d'action. Cette envie collective mit un beau bordel et à trois reprises en premier tiers temps, nos trois quarts firent des en avant sans vis-à-vis à moins de 20 m de l'en-but adverse. 0-0 à la fin de la période.

Christian qui portait encore son bonnet péruvien grâce auquel il avait pu jouer "El condor pasa" à la flûte de paon sur les quais du Dart (RER de Dublin) et amortir son voyage de quelques euros, Christian donc, semblait contrarié mais n'osait intervenir tant on se marrait.

Est-ce l'absence de Manu, mais nos trois quarts nous firent un festival, alternant attaques sublimes et conclusions honteusement merdiques. Sergio quitta ses fonctions de sélectionneur pour prendre sa part de bonheur et sortit quinze minutes après avec la même béatitude que le jour où il avait niqué Pocahontas dans le Grand Canyon.  La seconde période passa donc très vite car malgré le manque d'académisme tactique, le spectacle était au rendez-vous. Charles fut sans aucun doute le cador de cette période, jouant rapidement trois pénalités et pénétrant la défense adverse aussi seul qu'un clitoris au milieu d'un troupeau de morbacs.  0-0, Christian devenait aussi rouge que sa parka et prit un whisky chaud pour noyer son chagrin : il voulait faire la démonstration du french flair et n'avait pu produire que les coups de butoir de Caza, The French Dayre.

Le troisième tiers-temps redémarra sur les chapeaux de roue, l'infatigable Irish- Tony continuant ses départs au ras. Nous finîmes néanmoins par trouver la faille et Romuald sur une redoublée avec Guillaume, transperça la ligne adverse avant de marquer. L'adversaire, piqué d'orgueil poussa de plus en plus pour enfin égaliser par une action collective du pack.

1 à 1 score final ; notre Sherpa Savoyard  ruminait son énervement et les 5 essais avortés par des fautes de mains. Ainsi, à peine eûmes-nous quitté le terrain qu'un dilemne occupa tous les esprits : "Pour qui le Green FEZ ?" Tiret et sa réception de chandelle avec propulsion simultanée en touche, Charly le tacticien ou  bien Eric Pistien, appelé pistou par Anne, sa femme, et qui à maintes reprises s'est mélangé les pattes, seul, dans les 22 adverses. Pistounet semble avoir rassemblé tous les suffrages à la troisième mi-temps.

L'apéro au splendide club house fut magistral, les choeurs VDQS donnant de la voix pour animer la soirée. Fabrice Corletto, remasterisa à l'accordéon le top 50 des autonomistes Bretons, Béarnais, Basques, Catalans, Rueillois. Mais l'apothéose restera sans conteste notre hommage à nos adversaires avec "Ireland".

Nos hôtes nous avaient préparé des agapes dignes d'un ministère. D'ailleurs, le frère du président avait pour cette occasion barboté le fromage des ambassades irlandaises avant leur envoi pour les fêtes de la ST.Patrick. Des fioles de whisky nous attendaient à table et pour notre part, la récolte de pinard au duty free de Beauvais avait joliment agrémenté le buffet. Si nous ajoutons la valse des Guinness, le mélange culturel atteignit rapidement son climax : Saturday night liver grandeur nature.

L'Irish stew, ragoût de mouton local, se révéla par la suite le meilleur de tout le séjour. Nous nous régalâmes et les discours des officiels, Jim Barden le président et John Teeling, furent à la hauteur du repas. Les femmes du club élurent Tiret meilleur joueur français le plus sexy et reçu un cachet de viagra en guise de cadeau. Dans tous ces propos traduits par La Pique dans un numéro de duettiste très réussi, l'humour et la dérision étaient omniprésents. Paradoxalement, nombre de leurs chants magnifiques se révélèrent mélancoliques, sombres ou d'un romantisme shakespearien  ce qui revient au même. Afin de les désinhiber nous sortîmes notre Letal Weapon, Ronan le barbare. Malgré une entorse à la cheville, il nous produisit une Little Huguette mémorable, une chorégraphie à faire pâlir Michael Jackson et une improvisation sur le texte d'inspiration divine. Le succès étant au rendez-vous, les irlandais dynamisèrent leur vocalises jusqu'à la fin, et la cheville de Ronan doubla de volume.

Le lendemain matin, dimanche, Danse avec les Genoux arriva déshydraté au petit déjeuner. Outre les 25 litres d'urine qu'une prostate déficiente n'avait pu retenir, le sur-chauffage de sa chambre l'avait également fait transpirer 6 ou 7 litres de Guinness durant la nuit. Bien qu'exténué par cette perte de poids soudaine, il constata avec plaisir que son bronzage guadeloupéen était rehaussé par le breuvage brunâtre que les pores de sa peau avaient filtré.

La journée était chargée avec pour commencer une visite de l'Usine Guinness. Un premier groupe partit en avance avec à sa tête Christine Massinon bien décidée à montrer tous les clochers de la ville à son trépied de mari. L'exaltation de Pascalou rayonnait sur son visage : "Là c'est la cathédrale St.Patrick" "Ouais super ! Bon, on se casse ?"  "Là c'est Christchurch"  "Ouais super, c'est St.Patrick en plus petit"  "Attends, tu vas voir chéri à 5 km y'a St Catherine's church"  "Génial". Bref, le groupe qui les suivait est arrivé à la bourre chez Guinness et je vous invite à consulter les photos pour constater l'épanouissement de Pascalou au bar panoramique. "Ca va Pascalou, souris, c'est terminé" tentai-je de le décontracter. Mais rien à faire :  "Le week- end prochain, on visite Rouen !". Son cas était désespéré et je dus renoncer à le soutenir plus.

La visite chez Guinness se révéla très salvatrice tant les épouses présentes excellaient depuis le début du voyage dans l'art de culpabiliser leurs vaillants maris au niveau nutritionnel. Toute la pédagogie de la visite se résuma ainsi : la Guinness est un produit bio composé d'eau pure, de céréales et de levure naturelle ; ça facilite donc le transit et ce n'est pas plus malsain que des all bran fermentés. En sommes, on a réussi à leur faire croire que la Guinness c'est diététique et que notre séjour à Dublin serait aussi bénéfique qu'une cure thermale à Vichy.

A l'issue de la visite, Pascalou Massinon, la mine défaite et les pieds boursoufflés, craignait que Christine ne l'entraîne encore dans un circuit pédestre pour admirer des ruines Vikings ou l'obélisque de Wellington. Il eut donc l'idée géniale de jouer le grand romantique en lui offrant un tour en calèche jusqu'au stade ; la St Valentin avant l'heure. Christine fut ravie et tomba dans le piège, comme quoi depuis l'âge de 16 ans, il s'est vachement perfectionné le Trépied ! Seule fausse note à son plan diabolique, Lecam et Gauthier qui se sont incrustés à bord brisant l'intimité du couple : les demoiselles d'honneur se révélèrent encombrantes !

Pour les autres, il fallut se résoudre à nous séparer à hauteur de Temple Bar, certains filant vers le stade et d'autres se réfugiant au O'Neil.

Le groupe du stade suivit Christian à l'aveugle, croyant qu'à un moment nous prendrions le bus. Que nenni, le Sherpa aime marcher de longues heures et avec la gouaille de Gabin, il ne céda jamais aux suppliques de Guy toujours enclin à faire une pause dans un Pub : ce fut la traversée de Paris. Nous avons donc parcouru  d'Ouest en Est tout Dublin pour arriver affamés à l'Aviva Stadium.

Pendant ce temps, les filles furent prises en main par Xabi, Koxé et Marco qui réussirent à  trouver à leur torride harem une place confortable dans le pub, juste devant un superbe écran ! En panne (Et les pannes, ça les connait). C'est donc debout, parmi des irlandais chauds comme la braise qu'ils durent finalement se résoudre à regarder le match à côté. Ma femme qui venait pour la première fois en déplacement avec des rugbymen n'était pas sereine de m'avoir laissé partir au milieu des rouquines aux yeux bleus et prit conseil auprès d'une autre Sophie, la femme de PYM. Cette dernière était pour sa part totalement confiante quant à la fidélité de son époux. Son secret ? "Je lui ai tricoté un bonnet et une écharpe bleue-blanc-rouge et s'il arrive à séduire une gonzesse avec cette tenue, moi je couche avec ! Koxé !". Ce dernier ayant surpris la conversation vit naître l'espoir d'échapper à la veuve poignet et fila aussitôt se rincer la bouche et péter un coup aux toilettes. En vain : Pym n'avait en effet aucun espoir de séduire qui que ce soit.

C'est environ vers 18h00 que la réunion des jaunes et des rouges put enfin avoir lieu.  Pour beaucoup, une tournée internationale signifie un déplacement sportif ayant pour but de se mesurer aux nations étrangères.  Pour le groupe du O'Neil, il y en a eu beaucoup des tournées internationales en notre absence et les femmes semblaient avoir emporté la compétition. Quelques litres et quelques couplets plus tard, le retard fut comblé par les arrivants et c'est vers 19h00 que nous partîmes au restaurant, non loin du stade, une route qu'on connaissait à présent par coeur.

Malgré la jovialité du trajet agrémenté de chansons et de chorégraphies diverses, l'inquiétude nous gagnait en suivant le bonnet péruvien de Christian. Toutefois, au bout de 5 km nous bifurquâmes  en direction de la gare du DART soulagés de monter dans un truc qui roule.

Une tentative de passer sans payer nous valut les remontrances aimables d'un employé du rail et bientôt nous nous retrouvâmes à attendre notre arche de Noë durant 28 minutes. Afin de tuer le temps et sous l'impulsion toujours survoltée de Tic et Tac, Billion et Curnillon, le groupe se transforma rapidement en chorale des petits chanteurs à la pine de bois et la gare résonna des classiques du répertoire paillard. Férielle, la femme de Michel, qui avait entamé ce week-end sous les meilleurs hospices, de Beaune bien entendu, se lança dans une quête digne des meilleurs laveurs de pare-brises roumains. Certaines mauvaises langues dépouillées ainsi de leurs euros ont à cette occasion susurré qu'après la Légion d'Honneur, Michel devrait postuler pour la médaille de la famille. Lorsque le train arriva, nous nous bousculâmes dans le dernier wagon et nous testâmes à notre manière l'acoustique et les suspensions en entamant une dynamique version du Père Abraham. Les quelques passagers qui n'avaient sans doute pas cueilli de trèfle à quatre feuilles ce jour-là ne purent que subir avec flegme nos turpitudes.

Après la traversée d'un quartier que l'on pourrait définir de "coquet", nous arrivâmes au pub sur Merion Street où nous attendaient déjà les Bretons bien chargés (désolé du pléonasme). La soirée fut sympathique, conviviale et marquée par Une machine à laver la vaisselle toujours aussi visuelle. Je m'inquiétais néanmoins pour la santé de Corletto sénior calme comme baptiste, sérieux comme Manu et ne chantant que les airs bretons qui parlent de veuves esseulées, de marins noyés et de forçats maltraités. Etait-il dépressif ?  "Non, Guillaume mais tu comprendras qu'en présence de mon cadet je dois montrer l'exemple et surveiller sobrement ses excès ! et j'ai du boulot !" soupira t-il. Son argument bien que crédible ne m'a pas satisfait, craignant les effets castrateurs de la présence de sa moitié. Mais sa ravissante épouse Arousiak éclaira ma lanterne : "Quand on est ensemble on est toujours très calme ; nos origines Arméniennes et Bretonnes ont cette sobriété festive en commun" Et c'est vrai, au premier abord on n'imagine pas ces points communs : Elle a les chansons désabusées d'Aznavour, il a ses chansons folkloriques de marins perdus en mer, les tristes ruines du tremblement de terre d'Arménie n'ont rien à envier à l'atmosphère de Locronan sous la pluie, l'Arménie voit passer tout le pétrole des pays voisins sous son nez et n'en profite pas, c'est pareil sur les plages bretonnes où le pétrole des autres est à portée de main ! La liste est longue. En somme, je rassure tout le monde, Christophe Corlay va bien et sa sagesse n'a rien de pathologique ; ça s'appelle l'exception culturelle. Toujours dans le registre culturel, Sean finit par nous avouer que le Fameux "Ireland" que Billion nous avait demandé d'apprendre par coeur en l'honneur de nos hôtes de Clontarf n'était pas le bon hymne. Sur ce coup, Billion frôla obtention du Fez d'Argent !

Vers minuit certains rentrèrent, usés par les 300 km de marche à pied de la journée, tandis que les plus intrépides tentèrent la boîte de nuit. Ainsi, un petit groupe eut la chance de retrouver l'équipe de France en plein décrassage.

Lundi 14 février. St Valentin ! . La nuit avait été réparatrice, le temps printanier qui baignait Dublin depuis notre arrivée et surtout cette liberté d'être sans enfant, me faisaient espérer un réveil coquin avec mon épouse sous la douche du Staunton's Guest House. Déjà la sève montait alors que j'entrainais ma belle vers ces fantaisies aquatiques et là : plus d'eau chaude, juste un jet glacial. A l'hydrocution succéda instantanément la cryogénisation testiculaire suivie du syndrome asiatique : le rouleau de printemps avait laissé place au petit nem fripé.

Ma matinée était donc foutue à cause d'une putain de chaudière qui avait rendu l'âme pendant la nuit. J'aurais pu me détendre en prenant ce fabuleux petit déjeuner britannique, mais ce connard de président Dupraz s'est mis en tête de draguer ma femme en lui offrant une rose. Tout comme mes couilles, la coupe était pleine. J'étais sur les nerfs, presqu'autant que Tiret lorsqu'on l'interrompt avec des chansons. Ni une ni deux, je décidai de lui rendre la pareillle en draguant à mon tour la sulfureuse So-Hélène et lui offrant une corbeille de fruits de la Saint Valentin. Ce présent porta l'estocade au Sherpa, la Belle Hélène comprenant aussitôt la subtilité de mon message fruitier. Déstabilisé par ma hardiesse, Christian Ewing me présenta la facture du voyage pour me ruiner comme Cliff Barnes dans l'épisode 28 et humilier l'importun rival que j'étais désormais à ses yeux.

Après avoir fait les bagages, tout le groupe se retrouva pour prendre le car qui devait nous conduire au petit village de Howth. Mais ce dernier était ailleurs. Commandé par Mark Owen, l'autocar s'était gouré d'hôtel.  Ce retard bien qu'angoissant permit à Papykachu et Thierry Charieras de régler un litige avec la réceptionniste de l'hôtel ; cette dernière refusait de leur rendre leur chèque de caution exigé pour leur lit King Size nuptial et qui n'avait hélas pas survécu aux deux nuits du couple le plus glamour du voyage.

Les 48 compères embarquèrent finalement à bord du car dans les effluves nocturnes des corps encrassés de la veille, des phéromones de la Saint Valentin, et des infructueuses tentatives de désodorisation pulvérisées à outrance.

L'arrivée en bord de mer fut donc accueillie comme une libération. Certes, les flatulences de Papykatchu  nous avait habitués aux vents du large, mais l'air de Howth était tout de même plus vivifiant.

Le repas n'étant prévu qu'à 13h00, La Pique et notre Sherpa entrainèrent le groupe dans une randonnée d'une heure trente sur les falaises de la presqu'île. Le séjour nous avait permis à maintes reprises d'entonner la chanson de la Boiteuse, ironisant sur cette pauvre femme. Punition divine ou vengeance du fantôme de la vieille handicapée, les excursions pédestres de notre Sherpa eurent raison des corps les plus robustes, un régiment de boiteuses traînant la patte à sa suite. Ronan vit sa cheville doubler de volume et fut le premier à rebrousser chemin. Papykatchu et ses  rotules, Lautrec et ses genoux, Marco et sa sciatique, bientôt la moitié de l'équipe déambulait comme Sixiou, les jambes arquées, le tronc penché et la tête qui dodeline comme les chiens en plastique sur la plage arrière des taxis. Le plus pénible fut sans doute pour Valou, la femme de Marco. Prof était en effet rapidement distancé par la cordée et sa pauvre femme se retrouva prise en sandwich entre Xabi et Barquissau, alias Freebox et Livebox, les hauts débits de paroles en illimité.

Cette ballade par un temps miraculeux de soleil nous offrit un panorama somptueux en guise de récompense de ce pèlerinage Celtique.

Pendant ce temps un autre groupe avait déjà investi notre restaurant, L'Abbey Tavern plus vieux pub irlandais. Saumon ou césar salade, Irish Stew ou boeuf à la Guinness et enfin  apple pie en dessert, la randonnée avait creusé les appétits et les tablées se réjouirent de cette cuisine rustique et rassasiante.

Afin de digérer, nombre d'entre nous partit déambuler sur le port et saluer les phoques qui attendaient notre venue. Philippe Guillet, l'Homme qui murmure à l'oreille des mammifères en profita pour enfin remplir la carte mémoire de son appareil photo de clichés de gros moustachus humides et de mouettes grasses comme des canards du sud-ouest.

Afin d'également digérer, un autre groupe s'attarda au Pub et dégusta quelques Irish Coffee. 4 pour Koxé, de quoi achever le soldat Ryanair.

L'heure du retour sonna à 16h30, les roses de la Saint Valentin commençaient à s'effeuiller, et Anne, la femme de Pistounet semblait désespérée car elle n'avait pas réussi à acheter des maillots de rugby pour ses fils après trois jours passés à Dublin : Shame on her ! Pistounet chercha à la consoler : "Tu n'as pas réussi à attraper des maillots mais c'est pas grave ! Regarde, moi, je n'ai pas réussi à attraper un ballon !"  Ah ! ça fait bien plaisir un tel couple de gagneurs. Mais ils n'étaient pas seuls : Marco et Lautrec qui avaient réussi la veille à échapper aux envies de boîte de nuit de leurs femmes furent démasqués par leurs épouses et copieusement chambrés. Férielle quant à elle digérait mal sa César-salade et menaçait Koxé d'une douche à l'Irish Vomit, cocktail d'Irish stew et d'Irish coffee.

Est-ce le fait de se rapprocher de nos foyers qui a réveillé le sens des critiques de nos chères épouses ? Toujours est-il qu'un arrêt devant une salle de sport leur offrit une nouvelle occasion de railler nos physiques approximatifs, nous reprochant d'avoir troqué nos tablettes de chocolat abdominales pour des formes plus proches des pots de Nutella.

Les deux heures d'attente à l'aéroport se transformèrent en séance de shopping, le Duty free de Dublin étant de la taille d'un centre commercial au grand soulagement des Pistounets et de Jérôme Couton qui n'avait jusqu'alors que des fioles de whisky à offrir à ses filles de 3 et 5 ans pour compléter leur dinette. Papy (Claude Meurat) qui avait dû abandonner son seul achat de luxe du séjour à la Douane, un flacon de sauce à la Guinness, était contrarié. Son énervement ne dura que quelques minutes et reprit aussi sec 50 m plus loin, dans la galerie marchande Duty Free où la boutique Guinness vendait à loisir le même produit. Ca agace !

Animé par une hôtesse de l'air aussi jolie, sympa et détendue que Margareth Thatcher, le retour en avion  fut vite expédié. De même nous fûmes expulsés de l'aéroport de Beauvais qui fermait et nous ne pûmes nous dire adieu dignement.

Cette fin expéditive nous oblige donc de nous rassembler à nouveau très rapidement afin de commémorer ce voyage plein de surprises et de rebondissements.