Pour débuter ce compte rendu par un jeu de mot compréhensible par un Basque grande Gueule qui s'est plaint de leur complexité dans les vestiaires, samedi, il faisait un temps de pendu, il pleuvait des cordes. C'est bon, j'ai fait ma B.A. alors redevenons pour une fois sérieux.

Guy Paris a été convoqué chez notre maire début septembre avec son staff du RAC rugby. Le plus haut magistrat de la ville a couvert d'éloges  l'action de notre club, soulignant le dynamisme sportif, éducatif et caritatif des rugbymen Rueillois. Comment faire mieux ? Le 22 octobre 1941, la veille de son exécution, un jeune résistant, Guy Moquet, écrivit une lettre bouleversante de courage et d'abnégation que Nicolas Sarkozy a voulu faire lire dans les écoles.

Guy Paris, un autre Guy, a donc décidé qu'avant tous les matchs et tous les entrainements on lirait également une lettre de résistant. Afin de ne pas afficher une  quelconque opinion politique, Guy a fait des recherches et a trouvé enfin le document éducatif souhaité. La voilà.

Il s'agit de la dernière lettre d'un grand résistant Basque qui est allé au bout de ses forces : il faut y voir le don de soi de nos glorieux ancêtres, cet esprit confraternel dont les VDQS sont les héritiers. Soyons donc respectueux en ce jour anniversaire !

 

Mont Valérien, le 22 octobre 1941

Xabi  Mollets (1883-1941) ; Lettre envoyée à ses parents adoptifs.

Ma petite Mam chérie,
Mon petit Patou aimé,
Mon tout petit frère Koxe,

Je vais moisir ! Ce que je vous demande, à toi en particulier petite Mam, c'est d'être très courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont rentrés au vestiaire avant moi. Certes, j'aurais voulu m'entraîner, mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que mon corps serve à quelque chose.

Je n'ai pas eu le temps de m'échauffer. J'ai embrassé mes deux frères Lautrec et Marco. Quant à mon véritable, je ne peux le faire, hélas ! Il a en effet été intercepté à l'entrée de la vallée du Cleubouze par ce tortionnaire grenoblois que nous avions aperçu au camp de Drancy avec une gabardine en cuir. Il tentait de faire parler un cochon espagnol en le lacérant avec un couteau et détenait déjà les cousins Bienhaimé et Dayre, deux grands résistants dont les noms du maquis sont "Acidurique et maloménisque" (préviens le réseau).

Ma Petite Mam, il faut tout de même que tu saches ce qui nous est arrivé.

Notre commando de FFR, Les Forces Françaises Rhumatismales, est tombé dans un guet apens dans une clairière au bord du fleuve. Notre groupe était dirigé par Don Solanas, un résistant antifranquiste aguerri aux stratégies militaires super élaborées. La mission consistait à réceptionner un colis ovoïde ainsi qu'un opérateur radio bilingue, François Picard (nom de code : "Alaporte", sa femme s'appelle Alison). Nous devions leur faire traverser le pays basque où nous attendait un passeur : Charles Cazamayor.

Notre patrouille est tout d'abord partie en reconnaissance autour du site. La pluie redoublait et nous ignorions si le parachutage de notre transcripteur américain aurait lieu.

Au bout d'un quart d'heure, le colis et l'américain arrivèrent et Don Solanas organisa leur extraction. Nous courûmes sans nous retourner quand l'ibérique nous donna comme consigne de nous mettre à terre. Cette tactique consistait à nous confondre avec la nature, nous faire passer pour des animaux pour tromper les patrouilles ennemies. La grenouille, la limace, le fourmilier (en trempant sa bite dans l'herbe), notre camouflage était impeccable.

20 minutes à se tapir et avancer allongés dans le gazon humide. Lestrade commençait à sentir son dos endolori quand le commandant nous ordonna de se mettre à deux pour feindre le combat de cerfs, courants en automne.

Soudain l'ennemi nous attaqua ; nous partîmes à grandes enjambées, faisant circuler le colis ovoïde de mains en mains. C'est là que le plus brillant d'entre nous, "Laveuve" se pris une rafale dans les mollets et s'effondra. "Continuez sans moi, seule la mission compte, sauvez le soldat Picard". Quelle abnégation ! Je l'admire ; j'aimerais avoir sa dignité quand sonnera l'heure des blessures.

La Buche en était également troublé et ne cessait de faire tomber le colis : il n'arrivait pas à comprendre qu'une fois l'objet passé entre ses mains, il pouvait de nouveau repasser.

Le Commandant Solana ordonna un repli défensif dans un enclos non loin du cours d'eau.

Le lieu était paisible ; avant la guerre en 1936, il abritait un club de rugby féminin naturiste. En ce triste  matin, il n'en reste rien si ce n'est ce maudit gazon humide envahi de champignons turgescents, seules traces de ce bonheur passé ; mais comme le dit Dumortier "à la glaire comme à la glaire ! ».

Débusqué, notre commando se défendit jusqu'à l'assaut final sur le champ d'honneur.

Papy, fit de la résistance, Gauthier joua le "père tranquille", l'armée des ombres fut capturée.

La douleur étreignait tous les corps : Pym cherchait de l'oxygène  et Marco saignait des yeux, torturé avec du shampoing ; La milice compte déporter ce dernier en Italie, à Rome, et du coup il a très peur de ce Duce.

30 minutes plus tard, nous fûmes réunis  dans un stalag où nous attendait le tortionnaire Grenoblois. Seul réconfort, "La veuve" avait survécu.

Par contre notre mission était vouée à l'échec : Charles Cazamayor qui devait faire passer les Pyrénées à notre colis, était lui aussi captif du stalag, soumis à un sérum de vérité appelé Chinon 2011. Il  allait parler et décrire tous les cols qu'il avait gravis : "La Coulée du Lou Pérac", "La grande Chaudasse", "Lespines du Midi", "Les chocolatières Bayonnaises", etc !

Voilà Mam, tu sais tout  et tu pourras transmettre notre histoire aux générations futures.

J'espère que toutes mes affaires, te  seront renvoyées afin que tu les laves, elles pourront servir à Sergio qui, je l'escompte, sera fier de les porter un jour. J'espère aussi que le petit Poujol a retrouvé son doudou, ce maillot de rugby délavé, troué et nauséabond qu'il suce pour s'endormir.

?EUR toi, petit Patou, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite Mam bien des peines, je te salue pour la dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour comprendre la règle du plaqueur-plaqué.

Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup, qu'il étudie, qu'il étudie bien pour être plus tard un homme afin qu'il arrête ses jeux de mots débiles et évite les mélanges d'alcool douteux.

57 ans et demi, ma vie rugbystique a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais sortir du terrain avec mes souvenirs surtout celui d'Alain Tiret, ce pote toulousain qui s'est sabordé dans un rade de Toulon, afin de ne pas tomber aux mains de l'ennemi.

Mam, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine de ne plus voir mon corps huilé bondir comme jadis.

Je ne peux pas en mettre davantage, faire une phrase "sujet, verbe, complément" est déjà un exploit pour moi. Tout mon coeur de basque chante pour vous. Courage !

 

Votre Xabi qui vous aime.